Asexualité et couple : le problème du coming-out

DIALOGUE

Haaaaan je me demande ce qui va se passer !

Ca sent mauvais quand même pour les lycéens mignons, si tu veux mon avis…

– On sort ensemble ?

 – D’accord !

Oh, ils sont trop choup…

AAAAH ! AAAAH CACHE-MOI LES YEUX !

Fais pas tant de drama, on voit rien, ils commencent juste à se pécho dans les toilettes du musée…

Justement !

Ils ont l’air hyper pressés de se déshabiller, je comprends pas. Ils commencent à sortir ensemble et la première chose qu’ils font, c’est coucher ensemble, mais pourquoi faire ?

On se le demande ! C’est fini ?

Non, mais les zsexuels sont bizarres, ils préfèrent pas, genre, discuter avant ?

Il n’y a que mes humains qui préfèrent papoter au lieu de faire du sexe. Ca me rappelle des souvenirs, tiens… Tu te souviens, quand tu avais enfin commencé à arrêter de nier mon existence ?

Et comment !

Je raconte !

J’étais affalée sur mon lit, après une bonne pyjama-party avec les copines comme on aime. Homosexualité était endormie, complètement dans les vapes, Bisexualité avait clairement trop bu, et on était toutes en culotte.

Bisexualité : Y a un truc.

Moi : Hein ?

Bisexualité : Y a un truc qui vient d’apparaître. C’est trop petit pour être Homoromantisme. Chcrois qu’c’est un humain. Ou alors. Une peluche, mais qui bouge.

C’était Caro, figurez-vous !

Et merci pour l’accueil légendaire !

C’est moi qui mérite les accueils légendaires et personne d’autre.

Caro : Hé ! Je suis asexuelle !

Moi : Je te l’avais bien dit depuis le début, il suffisait de m’écouter. Moi, c’est Asexualité, et tu vois, je suis quelqu’un de très brillant…

Caro : Mais je te veux pas !

Moi : Ah bah merci ! Merci bien ! Je suis archi vexée, mais t’as pas le choix de toute façon.

Caro : Je veux pas être asexuelle ! Je suis déjà surdouée, ça craint, ça suffit déjà à me pourrir la vie alors que c’est une différence valorisée par la société, je ne veux pas être EN PLUS asexuelle ! J’en bave suffisamment, merci !

Moi : Tu insinues que tu pourrais avoir des ennuis à cause de moi ? N’importe quoi ! Je suis la personne la plus délicate du monde !

Caro : Ah oui ? Et ma vie amoureuse ? C’était déjà pas assez compliqué comme ça ? Quand je vais retomber amoureuse, il va falloir que je dise au gars « Hé, chéri, tu vas rire, mais figure-toi que même si je t’aime, j’ai pas la moindre idée de si je vais avoir envie de faire l’amour avec toi un jour ? Parce que je te désire pas ! Que dalle ! Mais c’est pas contre toi, hein, c’est juste que je désire personne, haha, c’est fou non ? »

Je marquais un point, là, quand même.

Ben vas-y, puisque tu es si maligne, continue de te plaindre !

Pas la peine. Deux ans et demi et trois interactions du type romantique ont passé depuis, et je suis à même de donner quelques conseils !

Conseil n°1 : On le dit

Ben oui. Quand on est ace, peu importe qu’on soit favorable au sexe ou pas, on n’a pas la même vision que les zsexuel.le.s, et ça me semble quasi impossible de communiquer correctement autour de ça si on ne le précise pas. Et la communication, c’est la clef d’une relation réussie pour tout le monde.

J’ai des contre-exemples, comme celui d’une demi-sexuelle qui a découvert son orientation à trente ans, en couple depuis plus de dix ans, et qui n’a pas jugé nécessaire de le dire à son mari. Personnellement, ça me gênerait de ne pas dire quelque chose d’aussi important pour moi, mais l’asexualité a une importance différente pour chacun, et c’est à chacun de faire le choix du coming-out ou non. Relations romantiques ou pas, le coming-out est un choix entièrement personnel, qui doit être respecté et non-jugé.

Cela dit, dans le cas où vous commencez une relation en sachant que vous êtes ace (c’est le cas unique que nous allons garder pour la suite), je vous conseille de le dire. Vous en faites ce que vous voulez, évidemment, mais je pense sincèrement que c’est le mieux pour avoir une sexualité et une relation saines, d’autant plus si votre asexualité vous amène à ne pas faire « normalement » certaines choses. Ce serait quand même dommage d’avoir un partenaire qui ne comprend pas que ses attentes ne soient pas remplies, et pour vous, d’avoir toujours peur que votre manière de vivre la sexualité soit un problème – ou pire, d’avoir peur que votre consentement ne soit pas respecté.

Conseil n°2 : On le dit de préférence tôt

Je sais, vraiment, je sais bien qu’un coming-out ace c’est pas facile. Mais vraiment, dans le cadre d’une relation, ça peut être important.

Tous les zsexuel.le.s s’attendent à du sexe dans leurs relations, et à du sexe conventionnel dans la plupart des cas. Si on attend pour leur dire, on va, nous, stresser « Est-ce qu’iel va vouloir du sexe maintenant ? A partir de quand ? Je fais quoi s’iel me demande ? ». Eux vont avoir peur d’aller trop vite, d’avoir un problème (ou que vous en ayez un), vont être déroutés et se poser des questions – voir auront l’impression d’être menés en bateau. C’est pas bon.

Est-ce que je hais ça ? Oui. Je hais de devoir le dire vite, je hais l’impression que je dois le « prévenir » pour ne pas « avoir menti sur la marchandise », je hais ça de tout mon cœur. Mais, dans l’état actuel de mon expérience et de mon asexualité, je n’ai pas trouvé d’autre solution pour avoir une relation de type romantique sur des bases saines.

Conseil n°3 : Choisissez le bon moment et ayez la bonne attitude

Lors de mon premier coming-out à un amoureux, je stressais horriblement, parce que je ne savais pas encore si j’étais sex-positive (=vouloir faire du sexe en étant ace) ou pas. J’essayais de placer ça dans la conversation, je n’y arrivais pas (et c’était d’autant plus dur que je n’avais jamais fait de coming-out avant). Finalement, j’y ai été en mode « Ecoute, j’ai un truc à te dire… »

C’est pas une mauvaise idée en soi. Sauf que j’étais tellement stressée qu’il a cru jusqu’au bout que je voulais le larguer à cause de ça, il n’a pratiquement rien écouté de ce que j’ai dit sur l’asexualité, avant de demander « Mais alors on est toujours ensemble ? » et de pousser un gros ouf de soulagement.

Vous pouvez rigoler, moi ça me met la banane dès que j’y repense, c’était super marrant !

Avec le recul, oui, parce qu’on en a reparlé après et qu’on a réglé tout ça. Je dirais que si vous pouvez, essayez de l’amener dans la conversation comme n’importe quelle autre info à votre sujet. Si vous pouvez pas, prenez un moment calme pour lui expliquer spécifiquement, mais relax, personne n’est jamais mort d’être ace et c’est possible d’avoir une relation épanouie entre ace et zsexuel.le.

Heu… Et mes humains qui ne veulent pas faire de sexe du tout, on en parle ? Je les vois pas annoncer ça comme une info anodine alors que ça a de fortes chances de mettre fin à leur relation, quand même…

Oui, et là, désolée mais j’ai pas d’astuces en magasin… Vous l’aurez compris, je suis sex-positive, je n’ai jamais été confrontée personnellement à cette problématique-là. On ne va pas se mentir : pour la plupart des zsexuel.le.s, si ce n’est tous, le sexe est quelque chose d’indispensable dans une relation amoureuse, même si ce n’est pas forcément le plus important pour elleux (encore heureux d’ailleurs !). Donc il y a de fortes chances pour qu’une relation amoureuse ne soit tout simplement pas possible entre quelqu’un qui veut absolument du sexe et quelqu’un qui n’en veut absolument pas.

Niveau témoignages, les ace sex-negative que je connais ne sont pas en couple, certain.e.s n’ont pas pu l’être à cause de ça (mais, sauf erreur, iels sont totalement aromantiques, donc pas les plus gêné.e.s d’avoir un accès plus difficile à la relation de couple).

Si vous être ace sex-negative et romantique, ne perdez pas espoir. Je reste intimement persuadée que la communication peut venir à bout d’absolument toutes les difficultés du couple…

Espèce d’indécrottable romantique…

… et il existe tous les modèles. Ne croyez pas ce que les fictions clichées racontent. Il y a un infini entre les deux petites boîtes de l’amitié et de l’amour, et il ne tient qu’à nous d’avoir les relations bizarres qui nous conviennent.

Conseil n°4 : Explicitez

Lors de ce premier coming-out, je me suis contentée de donner la définition de l’asexualité, ne ressentir d’attirance sexuelle pour personne, d’ajouter que par conséquent, je ne savais pas si je voudrais faire l’amour un jour, et de demander à l’amoureux s’il avait des questions.

J’aime bien. Synthétique, efficace.

Sauf que non. L’asexualité, ce n’est pas comme, par exemple, l’homosexualité, où n’importe quel.le hétéro peut se dire « Oh, ce que je ressens pour le sexe opposé, cette personne ressent pareil mais pour le même sexe ! ».

En parlant en fait de genre, bien sûr.

Voilà la vérité : les zsexuels n’ont pas la moindre fucking idée de ce que ça veut dire, ne pas ressentir d’attirance sexuelle. Comme nous, nous n’avons pas la moindre fucking idée de ce que ça peut être de ressentir de l’attirance sexuelle au quotidien. Il va donc falloir essayer de l’expliquer, et surtout, expliquer ce que ça IMPLIQUE.

Genre : regarder les scènes de sexe à la télé d’un oeil un peu dégoûté ou vaguement curieux. Ne jamais avoir de picotis dans le ventre ou le sexe quand on regarde quelqu’un. Ne pas trouver le sexe important et préférer manger du gâteau ou du parmesan…

Il y en a plein qui varient en fonction de chacun. Après ce coming-out où j’ai enchaîné les bourdes, avec mon ex, on a passé des HEURES à parler de sexe, de comment on le voyait et de ce qu’on avait envie de faire ou pas. C’était toujours intéressant, généralement surprenant pour l’un comme pour l’autre et absolument nécessaire pour tout ce qu’on a entrepris de sexuel par la suite ET pour définir comment on voyait notre relation.

Vous pouvez aussi joindre des articles, comme ce blog !

Voilà, je crois qu’on a tout dit ! On fera d’autres articles sur la gestion de l’asexualité dans le couple (comme : que répondre à « j’ai envie de toi », ou bien la très épineuse question du consentement).

Et n’oubliez pas : vous êtes mes humains. Vous avez un peu de ma classe.

L’asexualité n’est pas un handicap. C’est une divergence qui se gère, comme on gère des divergences d’opinions politiques…

De goût, entre celui qui aime le fromage et pas l’autre et c’est toujours un qui fait la cuisine pour les deux…

De physique…

Genre si y en a un qui est plutôt petit et l’autre grand, bah le petit il peut monter sur une marche d’escalier pour s’embrasser à la bonne hauteur et le grand peut lui attraper la crêpière en haut du frigo…

Bref. Vous avez compris.

Ou de maison Harry Potter. T’imagine, un Gryffondor et un Serpentard ensemble ? Et bah ça peut quand même marcher, hein !

T’es sûre ? Nan parce que les Gryffondor, c’est quand même des sacrées têtes à claques…

PERSONNE N’INSULTE MA MAISON ! De tout façon, chiante comme t’es, toi t’es forcément une Serdaigle.

Et j’en suis fière !

Non. C’est trop la loose. Salut les gens, toute mon estime à celleux qui reconnaîtront la série dont on parle en début d’article, vénérez-moi bien et à la semaine prochaine !

 

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