Les orientations romantiques – Partie 1

DIALOGUE

On ne va pas parler aujourd’hui des problèmes de la représentation de l’asexualité dans la fiction…

Alors qu’il y a vraiment beaucoup à en dire !

Mais parler de pourquoi il est NOCIF de confondre amour et sexe. C’est vraiment dangereux.

C’est à cause de ça que tu as perdu des mois à nier ton orientation sexuelle, d’ailleurs.

C’est vrai, tu t’en souviens ?

Et comment que je m’en souviens, c’était en mai 2015, notre première rencontre, wesh !

Ne dis pas wesh.

Je dis ce que je veux. Il faut savoir que nous, les orientations sexuelles, on rencontre nos humains quand ils entendent ou lisent notre nom pour la première fois. Avant ça, on ne peut ni les voir, ni les entendre, ni les emm… ni leur donner de sages conseils.

Ben tiens.

Peu importe si à ce moment-là, ils connaissent leur orientation ou pas.

Et les gens qui changent d’orientation sexuelle au cours de leur vie ?

Bah pareil. Ils ont juste le privilège rare de rencontrer plusieurs d’entre nous, et ainsi d’apprécier les multiples qualités de nos facettes resplendissantes et…

Donc la première fois que j’ai rencontré Asexualité, ça s’est passé comme ça.

Je raconte !

J’étais dans un café avec une copine, et on papotait tranquillement.

-Tu ne trouves pas qu’Hétérosexualité se la joue un peu ?

-A l’entendre tous les humains lui appartiennent, c’est relou quand même !

Et là, pouf, Caro est apparue devant nous, car elle venait de lire mon nom pour la première fois.

C’était dans cet article : http://www.madmoizelle.com/asexualite-temoignages-croises-165164

-Du boulot pour toi, on dirait.

Caro avait l’air toute effrayée, et déterminée en même temps – cheloue, si vous voulez mon avis.

-Nan, mais moi je peux pas être asexuelle !

Je me suis tournée vers ma copine :

-Ils te font souvent le coup, les tiens, non ?

-Régulièrement.

Ensuite, j’ai dit à Caro :

-Écoute, cocotte, essaie pas de me la faire à l’envers, je sais encore reconnaître un de mes humains quand j’en vois un. Asexualité, enchantée.

-Je ne suis pas asexuelle.

-Tu réalises quand même que tu aurais pu écrire des passages entiers de cet article qui parle de moi ?

-Oui, mais c’est écrit que l’asexualité est une orientation sexuelle. Et moi, vu que je tombe amoureuse de garçons, je suis forcément hétéro !

-Mais…

-Je suis hétéro. Bye !

Et elle est partie. Homosexualité a conclu :

-Et ben c’est vraiment une perle, celle-là.

Et je ne peux qu’être d’accord, c’était vraiment stupi…

Oui alors, pourquoi est-ce que je croyais que j’étais hétéro « car je tombais amoureuse de garçons » ? Parce que j’ignorais totalement la différence entre attirance sexuelle, vouloir faire l’amour avec les gens, et attirance romantique « réponse émotionnelle dont le résultat est le désir d’avoir une relation romantique avec la personne qui est l’objet de l’attirance. » (d’après AVEN), autrement dit, l’envie d’avoir des relations amoureuses avec quelqu’un. Je croyais que, quand on tombait amoureux.se, venait un moment où on se sentait prêt.e à faire l’amour, comme on se croit prêt.e à passer le bac. 

Ah, parce que c’est pas comme ça que ça se passe ?

Laisse tomber. Et je croyais que la définition exacte de « Hétérosexuel.le » était « qui aime les personnes de sexe opposé ».

Alors là, tu t’enfonces, ne me dis pas que EN PLUS, tu confondais sexe et genre !

Non, je connaissais déjà la différence. Mais comme je savais que cette distinction était plutôt récente, je pensais que la définition était antérieure et ne faisait pas cette différence. Qu’elle disait sexe au lieu de genre, comme ça arrive encore trop souvent.

Brillant. Tout à fait brillant.

Et pourquoi je croyais ça ? Parce que j’étais asexuelle romantique, que j’étais déjà tombée amoureuse de garçons, mais sans ressentir d’attirance sexuelle pour eux. Donc d’après mon expérience personnelle, je ne pouvais pas savoir que l’attirance sexuelle existait. Et d’après les expériences des autres ? Et bah je pouvais pas savoir non plus ! Car on ne parle JAMAIS d’attirance sexuelle. Dans les manuels de SVT, on parle contraception, et dans les fictions… On parle amour. Amour impliquant sexe. Forcément. A chaque fois. Et cet amour impliquant sexe, on ne rentre surtout pas dans les détails, non ! On élude très pudiquement la partie sexe, ou on y fiche une jolie métaphore – qui fait aussi bien métaphore de l’amour que du sexe, et le tour est joué. J’ignorais que l’attirance sexuelle existait, je croyais qu’il n’y avait que l’attirance romantique, et vu que je tombais amoureuse de garçons, j’étais hétéro. C’était très, très simple.

Et c’est comme ça que Caro n’est pas revenue me voir avant octobre. (Encore une histoire marrante d’ailleurs, mais je la garde pour une autre fois). Elle avait lu cet article en mai.

J’ai perdu pratiquement six mois à être dans le déni. Parce que bon, je ne pouvais pas savoir, mais quand même, je me doutais bien qu’il y avait quelque chose de bizarre et que cet article me correspondait pas mal.

A 100%, oui !

J’ai dit que j’étais dans le déni ! Et il aurait pu se passer quoi pendant ces cinq mois ? J’aurais pu être en couple. En couple avec garçon pas asexuel. J’aurais pu croire que j’étais anormale. J’aurais pu être malheureuse. J’aurais pu recevoir des pressions pour faire l’amour. J’aurais pu croire que, puisque je n’avais pas envie de faire l’amour avec lui, c’était que je ne l’aimais pas. J’aurais pu croire que je devais me forcer à faire l’amour avec lui. J’aurais pu subir un viol conjugal.

Voilà pourquoi il est nocif de dire que AMOUR = SEXE. C’est dangereux pour les asexuel.le.s. On ne propage l’idée que d’un seul type d’amour, celui qui « suit » le sexe, celui qui va avec. On commence à admettre l’idée du sexe sans amour, mais de l’amour sans sexe, sûrement pas !

Dire qu’amour = sexe, c’est dire qu’on ne peut pas vraiment aimer si on ne fait pas de sexe. C’est hyper violent. Et en plus, c’est très réducteur ! En tant qu’asexuelle romantique (ou presque, mais c’est une autre histoire), je tiens l’amour en haute estime. Je crois que c’est un sentiment tellement fort qu’il ne peut pas se résumer au sexe, que c’est insultant pour l’amour de le résumer au sexe, ou de dire que le sexe est la seule différence entre lui et l’amitié.

Cette dernière partie est bien entendu strictement le point de vue de Caro, point de vue de romantique, de personne qui souhaite avoir des relations amoureuses. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde, évidemment. Moi par exemple…

Ah oui, je ne prétends pas du tout parler au nom de tous.tes les asexuel.le.s sur ce coup-là ! Par contre, si quelqu’un vient me dire que ma façon d’aimer n’est pas aussi belle et complète que la sienne vu qu’il y manque de l’attirance sexuelle, je lui pète la gueule. Cordialement.

Et ajoutons qu’il est aussi dangereux pour les non-asexuel.le.s de confondre sans arrêt attirance sexuelle et romantique ! Ces deux-là vont souvent de pair pour elleux, mais ça n’empêche pas qu’il peut leur être utile de les différencier. Je ne vois pas à qui ça peut être inutile, d’ailleurs. Aux canards ?

D’autant plus que tout ce temps qu’on passe à éluder l’attirance sexuelle et à la faire passer pour de l’attirance romantique est un temps qu’on ne passe pas à montrer comment fonctionnent les gens non-asexuels et romantiques, et c’est bien dommage !

Tu es asexuelle et tu dis qu’on devrait parler plus de sexe dans la fiction ? J’hallucine ! Je te renie ! Je…

Non. Je dis qu’on devrait parler plus de l’attirance sexuelle dans la fiction. Je ne veux pas voir plein de scènes de sexe ultra détaillées à chaque fois qu’un acte sexuel se produit, merci bien. Mais je veux qu’on dise qu’un personnage en désire un autre, ou pas, peu importe si une relation sexuelle se produit par la suite. Je veux comprendre vraiment ce que veulent dire les non-asexuels qui parlent de manque, de feu dans la culotte ou de ne pas dormir dans la baignoire. Je veux des relations autour de l’attirance sexuelle, et je veux des relations autour de l’attirance romantique mais sans attirance sexuelle. Je veux un autre modèle, je veux plein d’autres modèles, autres que cette unique romance hétéro niaise qu’on nous vend à toutes les sauces et qui ne me parle absolument pas !

Fais gaffe, sinon tu va spoiler les prochaines parties, notamment celle sur l’aromantisme.

Résumé : Le sexe et l’amour sont deux choses différentes. Peut-être qu’elles vont souvent ensemble, mais elles sont quand même aussi différentes que peuvent l’être une vache et une bouteille de lait. Certaines vaches ne produisent pas ou peu de lait, et heureusement, on peut boire du lait sans avoir de vache chez soi ! Alors, merci de ne pas confondre amour et sexe.

Heureusement que c’est moi qui ai écrit le résumé. Sinon, on aurait pu croire que cet article était sérieux.

Il était sérieux ! C’est important pour moi !

Mais oui, va pas croire, c’est important aussi pour moi. Vous inquiétez pas les gens, je reviendrai dans le prochain article avec plein de super blagues pour rattraper celui-là…

Hé !

Allez, à plus !

J’ai cherché des blagues drôles de vaches pour conclure l’article, mais je ne suis tombée que sur des horreurs sexistes ou sexuelles.

C’est pas parce que c’est sexuel que c’est horrible.

Pour moi, si. Alors…

Alors on va pouvoir vous dire au revoir et à la semaine pro…

Alors je vais vous faire celle-là : c’est une vache et un citron qui braquent une banque. La vache dit « Personne ne bouse ! » et le citron renchérit : « Ouais, plus un zeste ! ».

 

2 réflexions au sujet de « Les orientations romantiques – Partie 1 »

    1. Elle est cool, hein ? C’est vrai que toutes mes blagues sont toujours très drôles, je te félicite pour ton bon goût, humaine !
      Asexualité

      Pas merci de l’encourager à faire des blagues débiles, mais merci beaucoup pour ton gentil commentaire !
      Caro

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